Mr Brightside (Basil)

- MÉFAIT ACCOMPLI -

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Ça sera drôle, disait-elle. Ça me permettra de mieux te connaître. Et il avait cédé. Basil finissait souvent par céder devant ses yeux qui jouaient l’innocence, son sourire, à moitié une moue moqueuse, et la manière dont elle se foutait de lui. “D’accord. Mais après ça, je veux pas t’entendre parler de trucs de bourgeois pendant au moins une semaine.” Et puis, qu’est-ce qu’il lui prenait de lire Proust? un moldu? Elle les méprisait, non? Il se redresse pour récupérer sa blague à tabac sur la table de chevet et s’assieds au bord du lit, sa nudité couverte par un pan de drap. “Quelle est ta vertu préférée?” Il laisse échapper un ricanement “Ça commence bien, ton truc.” Il fait mine de réfléchir “La chasteté féminine?” Un sourire amusé aux lèvres, il esquive le coussin qu’elle lui lance. “Non hmm. Je ne sais pas. L’honnêteté, je suppose? Ou le courage. Une des deux.” Il roule une cigarette en quelques secondes, en quelques mouvements précis de ses doigts guidés par l’habitude. “La qualité que tu préfères chez un homme.” “Le respect des femmes.” Cette fois, la réponse a fusé. Il a l’impression qu’elle le regarde, mais ne se retourne pas pour vérifier. “Et chez une femme, même question?” “Le fait de pas me faire répondre à des questionnaires à la con avant que j’ai bu un thé et fumé une clope.” Cette fois, il lui jette un coup d'œil, sourire narquois aux lèvres.

Clope encore éteinte à la bouche, il se lève et attrape un pantalon de pyjama qu’il enfile, avant de se diriger vers l’espace cuisine. “Bon… question suivante. Ton principal trait de caractère?” La réponse parvient un peu étouffée, alors qu’il cherche dans un placard. Pour un infuseur, un paquet de thé, une théière? “Mon incroyable charisme!” Il se redresse, torse nu, les cheveux en bataille, deux tasses à la main. “Même en pyjama. Bon sinon, faut qu’on arrête nos conneries, j’ai quasiment plus de tasses à cause d’hier.” Il montre d’un mouvement de menton la pile de porcelaine cassée dans un coin, l’égouttoir à vaisselle en morceau suite à la chute. “Ce que tu aimes le plus chez tes amis?” Le bruit de l’eau sur le fer de la bouilloire couvre sa réponse. “Quoi?” “Je disais : le fait qu’ils me laissent être moi-même sans essayer de me changer, je crois.” Il hausse les épaules, détaché, pose la bouilloire sur le feu, qu’il allume d’une allumette. Basil n’utilise pas vraiment la magie pour les choses de la vie quotidienne. Il n’a pas été élevé comme ça. “Et ton principal défaut?” Il s’affaire pour sortir le thé, le lait, le sucre. “Pareil que mon trait de caractère. Hommes et femmes se jettent sur moi, c’est lassant.” Il ricane un peu. Elle n’a plus de coussins sous la main. En vrai, son principal défaut, certains pensent que c’est son manque d’ambition. Lui est très heureux comme ça. À vrai dire, il aurait probablement choisi son manque de patience, s’il avait dû choisir honnêtement. Sans doute n’est-elle pas dupe… mais elle continue.

“Ton occupation préférée?” Il se retourne, va ouvrir la fenêtre et s’assieds sur le rebord, allumant sa cigarette. “La musique. Même si te faire grimper au rideau n’est pas désagréable non plus.” Un sourire goguenard, et il tire sur sa clope, recrache la fumée dans le ciel gris qui couvre les toits de Londres. “Ton idéal de bonheur.” Il lève les yeux au ciel “Y’en a encore combien, des questions? Parce que pour le moment, mon idéal de bonheur, c’est l’idée d’avoir fini ce truc…” “T’occupes. Ton plus grand malheur?” Il soupire, se perd un instant dans l’observation de la vue. Son plus grand malheur… il hésite à lui dire que ça serait de la perdre. Un peu pour la taquiner, mais ça ne serait sans doute pas si faux. Trop intime, d’une certaine manière. Il n’a pas envie de le lui dire comme ça, forcé. “Devenir sourd.” Le silence s’étire quelques secondes.

“Si tu n’étais pas toi… Qui voudrais-tu être?” Il rit. “Mais c’est quoi cette question, là?” “Tu as promis!” “Tu fais chier, tu sais? Raaah…” Il réfléchit. Il ne s’est jamais demandé qui il serait s’il n’était pas lui. Il était lui. Et il en était très content, la plupart du temps. “Un musicien reconnu, qui fait des tournées jusqu’aux Etats-Unis et joue avec les plus grands, j’imagine…” Jouer de la guitare avec Louis Armstrong ou Django Reinhardt, bien sûr qu’il aimerait. Mais c’est un rêve vague. Il joue surtout pour lui. Et il est loin d’être assez bon pour jouer avec ces mecs-là. "Où est-ce que tu voudrais vivre?” Il tire sur sa clope. “Je suis bien là où je suis.” Il se contentait souvent de ça. Son bonheur, il ne le trouvait pas dans ce qu’il pourrait avoir ou faire, dans un conditionnel incertain. Ni même réellement dans quoi que ce soit de matériel, à part sa moto, ses guitares accrochées au mur, son harmonica. Et puis quoi? Quitter l’Angleterre? Pas moyen.

“Ta couleur préférée, ton oiseau préféré, ta fleur préférée?” Il tape sa cendre par la fenêtre, sans vraiment se soucier de savoir si quelqu’un est en bas et pourrait se la prendre sur le museau. “Sérieusement… ça dit quoi de moi de savoir que j’aime les pâquerettes?" Il lève les yeux au ciel. “Disons le bronze, le coquelicot et… c’était quoi la dernière? L’oiseau? Le corbeau, allez. C’est classieux, les corbeaux.” Il a un peu répondu au hasard. Il a de bons souvenirs d’enfance dans des champs de coquelicot, mais choisir un oiseau favori, non, il ne s’est jamais posé la question. La bouilloire commence à chanter. Paresseusement, Milky Way, la chatte marbrée blanche et crème qu’il a adoptée il y a quelques mois, sort de l’endroit où elle s’était planquée pour la nuit, et vient se frotter à ses jambes. “Toi, je parie que ton oiseau préféré, c’est le moineau, vu que tu m’en ramènes toute les semaines.” Un miaulement lui répond. L’heure de la bouffe, sans doute.

“Ne change pas de sujet. Ton auteur de prose favori?” Il hausse un sourcil “La prose c’est quand ça rime pas c’est ça? Putain, ça veut dire que tu vas me demander mon poète favori après?” Elle hoche la tête, narquoise. Un soupir. Il écrase sa clope dans le cendrier sur la fenêtre qu’il laisse ouverte. “Conan Doyle, pour les romans. Y’a aussi celui-là, merde, le type avec le tableau qui rajeunit. Wilde? Il était plutôt sympa ce bouquin. Pour les poètes, je sais pas. Beadle le Barde, il écrivait en rimes des fois, non? “ Elle rit. Il aime ça quand elle rit, même quand elle se fout de sa gueule.  “Je suppose que je passe sur ton héros et ton héroïne préférée dans la fiction alors?” Il lève son majeur bien droit, sourire aux lèvres, et éteint la bouilloire qui chante de plus en plus fort. “Sherlock Holmes est définitivement mon personnage préféré. Donc si on parle d’un héros d’histoire… Sherlock Holmes. Par contre chez les gonzesses…” Il se sert un thé, offre un regard interrogateur à la jeune femme, la sert à son tour. “Si. Antigone. J’ai lu ça quand j’étais ado. J’étais impressionnée par cette nana, je crois. La vache, j’avais pas pensé à ce bouquin depuis des années. C’était chiant, mais elle, elle avait quelque chose.”

La tasse est déposée dans ses mains, et il se dirige de nouveau vers la cuisine. “Tu vois, tu te prête au jeu finalement.” Il ne réponds rien, et sors simplement une boîte de nourriture qu’il vide dans l’écuelle de Milky. “Voilà ma belle. Toi au moins t’es pas chiante et tu poses pas de questions.” Il rit doucement, caresse la fourrure de la chatte. “Rigole. On en a pas fini. J’ose te demander tes compositeurs préférés ou je t’épargne ça ?” Il se redresse, lève les yeux au ciel. “C’est bien un truc de bourges ça. C’est pas parce que j’y connais que dalle en musique classique que j’ai pas de compositeurs préférés. William Handy, Son House, Lonnie Johnson, Ida Cox… ils sont tous magistraux. C’est pas du Beethov’ mais au moins ça rebondit.” Basil pose sa tasse sur le plan de travail et s’empare d’une des guitares fixée au mur, vient la rejoindre sur le lit dont elle n’a pas bougé. “Tiens, écoute ça.” Et le voilà qui plaque quelques accords, les yeux fermés, la tête dodelinant au rythme des notes qui s’égrènent, chantant quelques mots pour accompagner la mélodie. Cela dure quelques instants jusqu’à ce qu’il revienne à la réalité. “T’as fini de crâner? On en était à ton peintre préféré. ” Il pose la guitare en soupirant. “Rabat-joie. Bon… J’sais pas pour les peintres, mais j’aime bien les affiches de Paul Colin.” Il pointe du pouce une affiche de jazz au mur derrière lui, aux bords un peu cornés, un peu déchirés. Probablement récupérée sur un mur londonien. “Disons que ça compte. Tiens, allez, une facile. Tes héros dans la vie de tous les jours? Tous genres confondus.” Un léger rire. “Mes parents. Tu me trouveras peut-être crétin, mais être un couple mixte dans notre société, ça demande du courage.“ Se rend-il compte du sous-entendu? Ça n’est pas certain. “Mais si tu veux du plus sensationnel… Tilly Toke. C’était incroyable, ce qu’elle a fait à Ilfracombe." Il reprend sa tasse et en bois une gorgée, attendant la suite. Elle n’avait pas tort. Il s’était pris au jeu. “Et dans l’histoire?” “Bowman Wright. Un sang-mêlé fan de sport, comment je peux ne pas aimer?” Son père leur avait raconté, à Thaddeus et lui, l’histoire de Wright, et comment l’invention du vif d’or avait permis de sauver les vivets dorés. Thad avait décrété ce jour-là que lui aussi sauverait des animaux. Il s’y employait depuis. Il avait toujours eu plus de force de caractère que lui.

“Ta nourriture et ta boisson préférée?” Il rit. “ Genre, tu as besoin de demander. Les fish & chips du Four Hare, et une stout pour arroser ça” Il avait servi beaucoup de mini canapé de cressons et crème de chèvre au romarin, ou autres conneries du genre, mais ça n’était pas pour lui, ce genre de bouffe. Lui, il préférait l’esprit de communauté d’un welsh partagé avec des amis en écoutant un match, que bouffer trois petits fours en écoutant la duchesse de Whatevershire raconter des saloperies sur la fille du comte de Holierthanthou. “Tes noms préférés? Filles et garçons?” Il hausse un sourcil, un sourire en coin. “Quoi, t’es enceinte et t’as besoin de noms pour les gosses? C’est brutal, comme façon de m’annoncer que je vais être papa…” Elle lève les yeux au ciel. “ T’es vraiment trop con des fois !” “C’est pour ça que tu m’adores, tu sais? Parce que je suis con, mais canon, et incroyablement plébéien et mauvais genre comparé aux gens insipides que tu fréquentes habituellement.” Il l’attire vers lui pour un baiser, dérivant dans son cou. Elle laisse échapper un soupir presque tenté. “Hmm… change pas de sujet...” Le voilà qui éclate de rire, s’avouant vaincu. “Ma parole, tu es bornée. Si même ma botte secrète est sans effet… ” “Des noms, Mr Lupin. Des noms !” “Casse-couille.[/color]” Il embrasse son épaule, affectueux malgré tout. “Charlie pour un garçon. Pour une fille… Sérieux, c’est pas évident ton truc là. Lena, peut-être? ou Agatha. J’y ai jamais vraiment réfléchi… ” Ce n’était pas tout à fait vrai. Il n’y avait pas pensé depuis Delilah, à vrai dire. Et il n’avait pas vraiment envie de penser de nouveau à Delilah. Alors il botte en touche, cherche sa tasse de thé du regard et retourne la chercher, puisqu’elle l'attend sur le comptoir de la cuisine.

“Qu’est-ce que tu détestes le plus?” La question lui arrive à mi-chemin. Ça, il sait. “Qu’on décide de ce qui est le mieux pour moi à ma place.” “Ça m'étonne, tiens…” commente-t-elle , narquoise. “Parce que tu crois que t’es mieux, peut-être? Rappelle-moi ce que tes parents diraient s'ils savaient ou tu passes tes nuits? ” Il rit, de bonne humeur. Il sait ce qui l’a poussé vers lui. Il sait aussi qu’il n’est généralement pas le choix final de ce genre de fille. Plutôt la connerie qu’on fait avant de se ranger. “Le personnage historique que tu hais?” Basil n’a pas besoin de réfléchir longtemps, cette fois. “Serpentard. Ce mec était un sacré con si tu veux mon avis. Contexte historique, ou pas.” La tasse vide est délaissée sur le parquet. Il y a quelques secondes de silence. Peut-être qu’elle le juge un peu, peut-être simplement qu’elle réfléchit, mais elle finit par continuer. “Un événement militaire que tu admires.” Basil ricane “Ok, là, il savait plus quoi inventer, le type. Mais… j’aime bien l’histoire des irlandais qui ont joué au foot dans les tranchées, pendant un assaut. Et qui ont marqué!”

Il s’allonge sur le lit, pose sa tête sur ses cuisses nues. “La réforme que tu admires le plus.” Il tend une main, caresse sa peau du dos de la main, distraitement. “Aucune idée. Celles que j’admire vraiment ne sont pas encore passées, et vu le contexte politique, c’est pas pour tout de suite.” Il voudrait voir une vraie cohabitation. Mais ça n’a pas l’air d’être au programme de la CMP. Enfin, ça se saurait, si les conservateurs étaient connus pour changer des trucs.  Il a les yeux fermés, l'envie vague de retourner au lit en la prenant dans ses bras. Elle ne lui laisse pas cette chance. "Il y a un talent naturel, un don que tu aurais aimé avoir?" Il fait une moue, sans rouvrir les yeux. "Pas vraiment. Enfin, ça aurait été marrant d'être métamorphomage, mais en réalité, je suis plutôt heureux de ce que j'ai. Et puis… à quoi ça sert de soupirer après un don que tu n'as visiblement pas, vu la question? C'est pas comme si tu demandais s'il y avait une compétence que j'aimerais apprendre. Un don, tu l'as ou tu l'as pas. Si tu l'as pas, ben tant pis, c'est comme ça…"

Milky Way saute souplement sur le lit, et vient se lover contre son maître ignorant parfaitement la femme. Il la pose sur son torse et la caresse d'une main, yeux toujours clos. "Une faute que tu es près à pardonner plus facilement que les autres?" Basil pousse un soupir. "Je ne sais pas. La lâcheté, probablement. Si elle est motivée par la peur." La chatte se met à ronronner, en regardant l'intruse droit dans les yeux. Provocatrice. Possessive. Ça n'empêche pas les questions de continuer. "Comment tu voudrais mourir?" Un vague rire. "Euh, glauque?" Une pause, courte. "Je sais pas… Je pense pas à ma mort. Puis je suis pas un type dont un parlera dans les livres d'histoires. Du coup, qu'importe ma manière de crever, non? Je serais mort, c'est pas comme si ça allait me traumatiser." "Ton motto préféré?" Il hausse vaguement les épaules. "Je n'ai aucune idée de ce qu'est un motto." "C'est… hmm. Une devise?" Il se redresse sur un coude pour la regarder, levant les yeux au ciel. "Et tu pouvais pas dire devise dès le début? Snob." Une inspiration. "Quelque chose de bien tourné qui parle de liberté et d'être soi-même. Mais faire des jolies phrases, c'est pas mon truc." Elle rit. Un peu moqueuse… mais pas que, cette fois. "Dernière question et on a fini. C'est quoi, ton état d'esprit, la, tout de suite?"

Basil se redresse, décalant la féline pour embrasser la jeune femme avec douceur, sa main s'égarant dans ses cheveux. "Je me dis que mettre une femme intelligente dans son lit, c'est vraiment beaucoup d'efforts."