Entre vent et mer d'encre (Katell)

22 mai 1914 - NAISSANCE - Un mois avant le début de la guerre, Aziliz donne naissance à une fille un peu prématurée. Mais le bébé est en bonne santé, et elle voit dans les yeux de son époux une vraie joie. Elle se le jure : ils seront heureux. 1914-1918 - PETITE ENFANCE - Katell grandit pieds nus dans l’herbe et l’écume. Sa mère lui apprend très vite à dessiner d’un bâton dans le sable en bas de leur maison, à reconnaître les plantes et à parler aux serpents, avec qui elle avait une affinité marquée. Son père lui raconte des histoires merveilleuses sur ce peuple dont il a dû se séparer en tombant amoureux d’une sorcière. Et, pour la protéger, il utilise des noeuds, encore et encore. Sept pour défaire le mal, un pour la protéger, quatre pour attirer la chance et les rêves. D’autres encore, pour montrer son appartenance aux Ventemer, même si elle ne sera pas reconnue. Pour montrer qu’elle est aimée, épeler son prénom, l’aider à trouver son chemin. Sur des cordes, des rubans, à ses vêtements, ses poignets, ses chevilles, dans ses cheveux… Sa vie est marquée par ceux-ci. 13 DÉCEMBRE 1918 - 4 ANS - C’est un chasseur qui l’a trouvée. Il dit avoir vu un esprit, une femme d’une grande beauté, qui l’a guidée jusqu’à la plaine battue par les vents. Il a senti un courant d’air glacé, des murmures qui, lui semblaient-ils, l’appelaient. Et devant lui, il y avait cette gamine, avec de grands yeux sombres qui semblaient lui reprocher de ne pas être ceux qu’elle attendait. Elle était seule. Il l’a ramenée au village le plus proche, et personne ne semblait savoir d'où elle venait. Et un jour, elle a disparu pendant la nuit.01 JANVIER 1919 - Katell ne dit pas grand chose. A l’orphelinat, on ne l’écoutait pas, et on la punissait quand elle essayait d’expliquer, parce qu’on pensait qu’elle disait des mensonges. Depuis, elle se méfie. Mais ici, on la croit quand elle donne le nom de ses parents. On sait qui ils sont. Personne ne sait dire ou ils sont, cependant. Mais pour avoir laissé leur fillette de quatre ans seule pendant plusieurs jours, sans doute n’y a-t-il pas grand espoir. Alors, elle grandit avec d’autres sorciers et hybrides qui, comme elle, n’ont plus de famille. Même si elle le maintient : ses parents ne sont pas morts, et un jour, ils viendront la chercher.01 SEPTEMBRE 1924- 10 ANS - Elle entre dans la petite école de la forêt de Quénécan. Ici, il n’y a pas beaucoup d’élèves. Ils sont une dizaine par année de cursus, mais au moins, on s’occupe bien de leurs connaissances. La vie n’est pas si différente de l’orphelinat, sauf qu’en plus, elle apprend des choses. Les plantes, surtout, les animaux, un peu. La métamorphose, les sortilèges de soins, les sigils et leur utilisation. C’est une descendante de fée qui tient l’infirmerie, et elle reconnait les noeuds que Katell reproduit, religieusement, comme un souvenir, une manière pour son père de la retrouver un jour. Elle lui apprend l’histoire fée, celle du clan Ventemer aussi. La raison pour laquelle elle ne porte pas leur nom. 31 JUIN 1929 - 15 ANS - Elle vient d’avoir quinze ans, et elle est diplômée. Ici, le cursus dure moins longtemps, et puis, il vaut mieux se mettre rapidement au travail. La tradition veut qu’elle voyage pour trouver l’endroit qui parle à son coeur, s’y installe, et devienne guérisseuse. On n’en attends pas beaucoup plus d’elle. Pourtant… Pour Katell, ça n’est pas suffisant.1930 - 16 ANS C’est à Brest qu’elle l’a rencontré. Il est beau, il a de l’argent, il est aussi charmeur que charmant. Il s’appelle Amaury, c’est un baron normand. Il lui promet une belle vie, tant qu’elle lui appartient. Et Katell pense que c’est ce qu’elle désire.1931 - 17 ANS - La maison bourgeoise en Normandie est belle, mais quelque chose manque. Pourtant, il lui offre des bijoux, des produits qu’elle n’aurait pas pu s’acheter seule. Il la fait danser et l’enivre, mais peut-être que ce n’est que l’effet de l’alcool et pas l’amour. Ici, elle n’est pas heureuse. Sans doute que c’est la liberté qui lui manque. Ou peut-être, qu’elle ne s’attendait pas aux coups qui pleuvent quand il a trop bu, quand il croit qu’un autre la regarde. Et peut-être que, justement pour ça, elle s’amuse à séduire, pour le faire enrager. Pour lui donner une vraie raison de frapper, autre que sa jalousie et sa possessives maladives, que ses craintes idiotes. MARS 1932 - 17 ANS - Elle est partie. Elle a volé de l’argent qu’il devait, a attendu qu’il s’endorme, et a foutu le camp. Elle veut autre chose. Ne pas finir dans les faits divers, sous le titre “une mondaine tombée dans les escaliers, la tragique fin de l’amante du baron de la Fresnaye”. Ne pas être une énième victime. Elle part à Paris, et découvre le tatouage. Arbore fièrement ses premiers motifs. Pendant un quelques mois, devient modèle, coqueluche de l’intelligentsia parisienne. Elle se fait appeler Madeline de Vanves et devient une cocotte en vue. Cela ne dure pas. Cette vie creuse ne lui convient pas. JUILLET 1932 - 18 ANS - Elle rencontre Darius, Monsieur Loyal du Darius’ Exalted Bazaar. Un sorcier qui se faisait passer pour un faune et menait une joyeuse troupe disparate dans laquelle elle se plut tout de suite. Aussi, lorsqu’il lui annonce vouloir partir pour de nouveaux horizons et qu’il lui propose de la suivre, elle accepte. Avec eux, elle est Kat la Korrigane, et elle aime ça. Ici, personne ne lui dit quoi faire, comment faire. Elle vit d’art et de voyages, d’arnaques, de rires et de petits bonheurs. La vie est douce. Libre, surtout. 1933-1940 - 19-26 ANS - L’Exalted Bazaar s’est établi à Londres depuis quelques années. Ils animent le parc d’attractions des plaines des Augureys, présentent deux spectacles par an. La ville les connaît et le territoire de la foire reprend vie grâce à eux. Ils se déplacent parfois dans le Royaume-Uni, sorcier et moldu, et jusqu’en Bretagne pour faire rêver les gens. Cette existence semi-nomade convient à Katell, même si son fief reste Londres, ville d’adoption depuis sept ans maintenant. Sa Bretagne lui manque, mais la famille qu’elle s’est trouvée compense son vague à l’âme. 07 septembre 1940 - Début du Blitz. Le Ministère de la Magie est détruit par une bombe en plein milieu des primaires sorcières. Les gens ont de plus en plus besoin de rêver, alors le cirque s’applique à renouveler son spectacle souvent, à maintenir le parc en état de marche. Une fois par mois, la représentation est gratuite pour tout le monde. 24 décembre 1940 - Les artefacts de la zone protégée de Londres tombent en panne en plein milieu du marché de Noël. Un bombardement ravage une partie de ce dernier. Il touche une partie du parc d’attraction aussi, causant plusieurs pertes, humaines et matérielles. Depuis, à chaque cri de la banshee, les membres du cirque et du parc lancent eux-aussi un Protego Maxima.