Judge me by the people I avoid (Andrew)

- MÉFAIT ACCOMPLI -

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"Please please Andrew listen to me." La voix de Sanaa est un crève-cœur, et Andrew hésite. Une seconde. Elle est là, derrière lui, vêtue de pas grand-chose et la peau encore imprégnée de l'odeur de luxure et de celle de... l'autre homme. Il n'arrive même pas à penser son prénom. Lorsqu'elle pose une main sur son épaule, il se dégage, se soustrait à son contact. "Why should I?" Ses yeux verts se plantent dans ceux de sa femme, un instant. Et elle qui sait si bien les lire y verra la colère et la tristesse, l'incompréhension et l'humiliation. Et peut-être entendra-t-elle ces mots qu'il ne prononce pas. I let you plenty of time to talk. You didn't. Now's too late.

Il secoue la tête, et ouvre la porte. En un instant, il a disparu, transplané hors de sa portée. Il ne peut pas lui parler. Pas maintenant. Pas alors que dès qu'il ferme les yeux, il voit leurs deux corps enlacés, les mains de l'autre sur le corps de celle qu'il aime et dont il se pensait aimé.

Lorsqu'il reprend pied sur le sol ferme, Andrew met quelques secondes à comprendre où il est. Il n'a pas pris le temps de réfléchir, voulant juste s'éloigner pour ne plus avoir mal rien qu'en la regardant. Il est dans la cour du domaine de Pendle, plongée dans le noir à l'exception des rais de lumières projetés au travers des volets fermés. Il entend un peu de musique, des discussions animées, des rires. Ses parents discutant avec quelques familles qu'ils ont accueillies, sans doute. Albert et Ethel n'avaient pas chômé, et dans le dernier hibou qu'il avait reçu d'eux, c'étaient quatre familles désormais qui vivaient avec eux, dans une communauté formée par le besoin.

Il fait un pas vers la porte, mais recule. Il ne veut pas voir ses parents. Il ne veut pas entendre des consolations creuses, des elle ne te mérite pas, des tu trouveras mieux, des je savais bien que c'était bizarre qu'elle fréquente toujours le père de son fils. Il ne veut pas des regards de pitié et des réactions de colère et de soutien, parce qu'il sait qu'ils ne comprendront pas sa douleur et qu'ils ne sauront pas l'apaiser. Il fait volte face dans un bruit de gravier qui alerte l'un des chiens, qui se met à aboyer en signe d'alerte, puis de joie lorsqu'il le reconnaît.

Andrew le fait taire de quelques caresses et l'entraîne plus loin. Parce que les discussions se sont interrompues et que plus d'aboiements attireraient du monde, et que pour le moment... Il a besoin d'être seul. C'est vers un autre bâtiment qu'il se dirige, ou l'on stocke le foin des chevaux et bien d'autres choses. Petit, c'était là son royaume autant que son refuge. Il se laisse tomber dans le foin et laisse les odeurs familières lui revenir et l'envelopper. Le braque français se couche contre lui et il ferme les yeux, plonge en son esprit pour trier, comprendre. Un processus qui le rassure et alors qu'il a l'impression que sa vie personnelle se désagrège, il n'a que ça à quoi se raccrocher.

Ce qu'il trouve en premier, c'est la tristesse. Il aurait pensé à la colère pourtant. Oh, elle n'est pas loin, bouillonnante, mais elle est contenue par l'océan de son chagrin. Sanaa est la femme de sa vie, il le sait depuis leur rencontre. Et avoir la preuve ce soir que ce n'était pas réciproque... il y a quelque chose de brisé en lui. Il les revoit dans leur danse charnelle et une vague nausée le prend. Avait-elle fait ça pour le blesser? Andrew n'imaginait pas que cela puisse ne pas être délibéré. Il vivait dans cet appartement, bon sang, ils étaient dans leur lit ! S'ils avaient voulu ne pas se faire prendre, il y avait quantité d'autres endroits. Alors... Avait-elle voulu qu'il les voit, voulait-elle lui briser le cœur? Est-ce qu'il avait fait quelque chose qui méritait une telle réponse? Il réfléchit et analyse. C'est un homme qui aime exposer les faits et les cataloguer. Mais là, qu’importe combien il cherche, il ne trouve pas la réponse. Il avait été un peu plus absent il est vrai, la présence de l'autre homme et leur proximité visible le mettait mal à son aise. C'était plus simple quand ils ne vivaient pas ensemble. Là, il avait chaque jour ce spectacle sous les yeux : l'homme dont elle s'était séparée, qui lui avait donné un fils qu'il avait élevé comme s'il était le sien, tout sucre et miel dès que Sanaa entrait dans la pièce, et qui contenait une distance polie avec lui... avec un soupçon de mépris, lui semblait-il? Il ne savait pas s'il l'imaginait.

Sans doute avait-ce été la décision de l'autre. Andrew se relève et parcourt la remise à grand pas pour essayer de canaliser ses émotions. Il l'avait tentée, séduite, l'avait entraîné dans leur chambre pour qu'il les découvre avant de fuir comme un lâche en abandonnant son amante face à lui. Quel être veule et méprisable. A cette pensée, la colère revient. Il avait accepté sa présence des années durant. Pour Sanaa. Parce qu'il ne voulait pas être de ceux qui imposent et interdisent, parce qu'il lui faisait confiance, leur faisait confiance. Parce qu’il comptait sur le fait que les deux le respectent assez, comme l’on devrait respecter tout être humain, pour ne pas dépasser les limites.. Depuis quand cela durait-il ? Était-ce l'histoire d'un soir? De plusieurs mois,depuis qu'ils vivaient sous le même toit? Ou baisait-il sa femme depuis des années, le salaud, en se moquant de son ignorance? C'était forcément sa faute. Il s'arrête devant un mur et y assène quelques coups de poings, sachant pertinemment que cela ne réglerait rien. Mais il y a ce besoin d'exploser, de laisser ses émotions s'exprimer sans les contenir. Et il est seul : ici, il ne fera de mal à personne.

Il sent la peau de ses articulations éclater, le sang couler. Non. Sanaa n'était pas innocente. Il ne pouvait rejeter tous les torts sur l'autre homme. Elle n'était pas une créature faible qui se laisse tromper et séduire. Elle était une femme forte qui savait ce qu'elle voulait et c'était aussi ce qu'il aimait chez elle. La reléguer au rang de victime n'était pas lui faire justice. Qu'importe à quel point ça lui faisait mal. Elle avait voulu être dans les bras de son ancien compagnon. Depuis le début peut-être. Mais... Pourquoi? La douleur irradie de ses mains, remonte les bras, rejoint celle de son cœur déchiré. Était-ce sa faute? Avait-il failli à la combler, à lui donner ce dont elle avait besoin? Était-ce un souci de cœur, de corps? N'était-elle pas heureuse? Aurait-il pu, dû faire mieux?

Il revoit son sourire pourtant lorsqu'il la prend dans ses bras pour la faire danser au rythme d'une musique qu'il aime a la radio. Son air paisible quand ils regardent les étoiles, enlacés. Il n'a pas oublié l'étincelle d'émotion dans ses yeux quand il lui murmure des je t'aime et d’autres mots d'amour. Elle l'aime pourtant. Non? Du moins elle semble l'aimer. Faisait-elle semblant? Andrew ne peut se résoudre à l'accepter. Mais s'il n'est pas en cause, que Sanaa l'aime encore et que l'autre ne l'a pas forcée alors quoi? Pourquoi?

Il n'arrive pas à joindre les pièces du puzzle. L'image face à lui est morcelée, illogique. Il ne comprend pas pourquoi, et c'est pourtant cette réponse qui aurait pu, rien qu'un peu, lui accorder du répit, ou rien qu'un peu de paix... Savoir qu’il y avait une logique. Une raison. Un coupable et une manière de réparer. Il se laisse tomber contre un mur, ne trouvant plus la force, l’envie de rester debout, et laisse son regard vide se perdre dans l'obscurité, vers la silhouette de la femme qu’il aime et qu’il voit comme un rêve, le regarder. I love you, Sanaa... I thougth we were happy... was I this wrong?

La silhouette reste silencieuse et disparaît.
Peut-être qu’il n’y a rien d’autre à dire.